La volonté de se souvenir et de refaire l'histoire à l'envers, de fouiller le passé pour se rappeler le vécut, est une vue de l'esprit. Éveiller la mémoire pour se remémorer des moments de vie, d'en faire une synthèse pour une remise en question, semble rédhibitoire. Ce qui fut se désintéresse de ce qui est. Quant à l'avenir, il se décline dans le faux, dans une « décadence » solitaire et la déconstruction de soi. L'espoir joue les filles de l'air et la solitude pèse le poids des envies. Le progrès permet d'acheter le bonheur au mètre. Au gré des fortunes. Il se ternit instantanément par manque de savoir dire ou de restriction mentale. Priorité est donnée à l'amnésie.
Il y a peu, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale et la vision des morts-vivants sortant des camps de concentrations assimilées, le sincère désir de paix exprimé par toutes les populations du continent suscitait le fol espoir de vivre enfin une nouvelle démocratie.
Tout deviendrait possible grâce à cette volonté commune de ne plus jamais revivre cela. Ce ne fut qu'une illusion au long cours. Le grondement du conflit apaisé, la peur changeait d'hémisphère. Il a aussi fallu fermer les yeux sur les nombreuses exactions des résistants de la dernière heure. Feindre de croire que ses anciens collaborateurs nazis rendaient la justice en se mettant à dix ou vingt pour raser la chevelure des femmes, ayant eu le malheur de sortir avec des officiers allemands, avant de leur enduire la tête de goudron. Pour garantir la paix civile et ne pas créer trop de remous, la maréchaussée se tenait à distance. Pas de vagues, mais un mépris bienveillant. Ce fut également le temps des dénonciations anonymes, par jalousie ou vengeance. Parfois des deux !
Plus jamais cela ! Vœu pieux et éternel litanie des naïfs en quête de vertu. La rage, la jalousie, comme l'agressivité et la bêtise font partie intégrante de l'âme humaine.
La société des apparences incubes les tares de l'homme et nourrit son besoin d'être le Néron de son destin. Une réflexion minimaliste cadrée sur une vision fantaisiste de son avenir lui permet d'exiger l'irréalisable dans un monde où l'être s'efface devant les avancées de la technique. C'est la banalisation des fureurs et des haines qui guettent les sociétés dans les décennies à venir. Le monde poubelle rejoint l'esprit de la déchéance pour se fondre dans une fin de cycle. La civilisation de l'ordre s'effondre et cède la place à l'aléatoire.
Les pays en ébullition se font confisquer leur démocratie d'apparat au profit d'une population hétérogène en recherche d'identité.
Le capitalisme sauvage signe les prémisses de son extinction planétaire. L'exagération et lemépris d'irresponsables, qui vivent de la détresse des laboureurs de l'existence, sonnent le glas de la spéculation boursière. Le compte à rebours égrène le temps restant jusqu'à l'implosion du système et ajoute de l'angoisse à l'incompréhension des responsables gouvernementaux. Responsables ancrés dans des certitudes périmées où le futile font la part belle à l'arrogance. Par manque d'imagination, par ignorance et par méconnaissance quant aux aspirations de l'homme du vingt et unième siècle, ils n'ont rien vu venir.
Les moyens informatiques mettent en évidence une transparence inaccoutumée des faits, des gestes et des comportements humains, dans les endroits les plus reculés de la planète.
Le progrès technique offre des éléments comparatifs à ceux qui désirent connaître les aléas des pouvoirs en place. Aujourd'hui, par un simple clic, l'obscurité s'éclaircit et devient lisible. La tyrannie, les dictatures et les exactions sont mises en lumière. La lecture historique du présent change et permet enfin aux populations d'apprécier la réalité des faits, dans l'instant où ils se produisent. L'information et l'image circulent à la vitesse du son.
Cette époque-charnière entre vieilles habitudes encore en vigueur et la surabondance de communiqués de toutes sortes n'est pas sans inconvénient.
Il est important d'entendre et de voir, mais pas seulement. Encore faut-il savoir interpréter les mots et savoir analyser les images ! Ce difficile travail incombe aux médias... qui ne sont pas toujours à la hauteur. Il y a également les opposants qui tendent à brouiller les messages par opportunisme ou par rivalité, sans mentionner ceux qui propagent les théories du complot et de la désinformation. Rien n'est simple ! Qui trop embrasse, mal étreint - à force de tout vouloir tout de suite, l'espoir s'amenuise, devient illusoire et finit par susciter un goût d'amertume et de non achevé ?
L'existence n'est pas une course de vitesse, ni un marathon vers un quelconque pouvoir. L'existence n'est pas une soumission mais bien une lutte, une lutte contre soi-même afin de sublimer son intériorité et de découvrir la réalité de ses besoins. En favorisant une société du « toujours plus » les politiques se tirent une balle dans le pied. L'accumulation sous toutes ses formes pollue, qu'il s'agisse de la mer, de la terre, de l'air ou de l'esprit.
NB : Gouverner n'est pas chose aisée. C'est, dans le meilleur des cas, un combat d'ego à l'issue fragile et pour le moins précaire. Certains pays ont tenté de promouvoir une politique vertueuse et sociale, mais les réussites furent rares et souvent désordonnées. Les résultats furent peu probants à long terme. Qui plus est, cette politique généreuse et coûteuse bénéficia principalement aux classes moyennes émergentes. Il est regrettable de constater les conséquences de cette vision sociétale mal évoluées et qui se sont avérées utopiques dans l'immédiat. Proposer la gratuité sans limites de services, d'avantages multiples et des aides de toutes sortes à une population en quête d'un mieux-être, était louable, mais obligea le pays à vivre au-dessus de ses moyens. Ce fut une vision à court terme qui précipita les nations dans un inutile endettement. Endettement qui portait en germe le poids de futurs conflits. Il eut fallu commencer par réformer l’État et couper dans les dépenses inutiles.
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